vendredi 24 janvier 2014

#Complément d'information - cataracte verbale


Pourquoi toujours en parler ? 
(Je vous rassure, un jour je parlerais d'autre chose.)

• Parce que depuis que je suis haute comme trois pommes on m'a inculqué la peur du viol, et je ne parle pas de mon géniteur adoré.

• Parce que lorsque j'entends des rires masculins derrière moi, j'ai des sueurs froides, même en pleine journée.

• Parce qu'on m'a appris à avoir peur des rires masculins (et là je parle de mon père et de tous les autres).

• Parce que lorsque l'on me touche et que je ne vois pas le mouvement, je manque de faire un malaise tant la terreur m'assaille.

• Parce que j'ai failli décoller la tête d'une amie un jour qu'elle me saisissait l'épaule par derrière.

• Parce que pour moi, durant mon adolescence, la pire chose que j'ai dû subir, pire que les violences de mon père (qui avait arrêté de jouir en moi), c'était la queue du réfectoire, au collège, où les masses se pressaient indolemment en attendant leur tour et où je ne pouvais échapper à toute la chair collée contre moi. Inutile de dire quelle torture c'était - chaque femme et chaque homme à avoir été violés le sauront, les autres ne pourront jamais l'imaginer.

• Parce que lorsque j'étais en CM1, j'étais à côté d'un porc qui me harcelait sexuellement chaque jour du haut de son jeune âge et de sa quéquette pas encore chargée, qui me sussurait dans le creux de l'oreille, à chaque heure de cours "Tu me fais bander", et que jamais la prof n'a voulu me changer de place.

• Parce que lorsque j'étais en cinquième, des porcs se glissaient derrière moi dans les couloirs et me choppaient par surprise pour donner des coups de boutoir contre mon cul (imitation tout en finesse de la sodomie), et que ça me dégoûtait et me donnait envie de chialer mais que je trouvais ça normal.

• Parce qu'en troisième un porc me caressait la cuisse en cours, essayait de me toucher le sexe, n'éprouvant aucun scrupule à dire à moi et à d'autres que son but c'était de m'enfiler un doigt en plein cours et qu'il ne pigeait pas pourquoi je ne me laissais pas faire. Parce que ça me dégoûtait, me donnait envie de chialer, mais que je ne trouvais pas ça anormal.

• Parce qu'en troisième toujours, une amie avait été violée en soirée, alors qu’elle disait non mais était trop imbibée par l'alcool pour avoir la force de lutter physiquement, et que malgré tout ce que j'ai pu dire elle a refusé de porter plainte car des porcs lui avaient dit que ce n'était pas un viol.

• Parce que je ne devrais pas avoir à les appeler porcs ; ce sont des êtres humains et pas des animaux - ce serait les dédouaner ; ils savent ce qu'ils font, ils infligent la violence, la douleur, la mort (car le viol est un assassinat) sans aucun scrupule.

• Parce que je n'ai vécu qu'à peine trois années dont je ne me souviens pas avant de mourir ; que depuis je suis un cadavre qui parle, qui rit, qui se force à vivre.

• Parce qu'il a fallu attendre mes seize ans pour que je connaisse pour la première fois un vrai sourire et un rire spontané (cc Frenchnerd et merci, je vous dois la vie - je vais même faire un article sur vous où je vais grave vous lécher les bottes). Parce qu'aujourd'hui encore, mes sourires sont tordus, timides, petits, car mes rires sont discrets et que je ne sais pas montrer les dents. Car aujourd'hui encore sourire et rire est pour moi une nouveauté que je ne maîtrise pas et que ces rares, encore maintenant, expressions spontanées d'une vraie joie, n'arrivent pas souvent et me surprennent toujours.

• Parce que je suis vide la majorité du temps, vide depuis des temps immémoriaux et que c'est pour ça que je demande à m'emplir de tout ce qu'on peut avoir à me proposer (sauf du foutre, faut pas exagérer).

• Parce que cinq personnes se sont amusées à me violer, à me forcer sans aucune considération, et que vous savez quoi ? Je sais que ce n'est pas fini, que ce ne sera jamais fini. Je compte le temps qu'il me reste avant un nouveau viol. Vous vous rendez compte que la plus longue période durant laquelle je n'ai pas été violée a été cinq ans ? Que durant ce temps-là, je devais subir tous les jours un harcèlement sexuel conséquent et des attouchements ? Ça doit faire trois ans que je n'ai pas été violée. Il ne me reste que deux ans avant un nouveau viol, si j'ai de la chance. Imaginez-vous vivre avec cette pensée en tête en permanence.

• Parce que oui, et c'est une gonze qui a expérimenté toutes les sortes de viol (ou presque) qui vous le dit, les attouchements, les exhibitions, le harcèlement sexuel, c'est peut-être moins physique, moins meurtrier que quand un mec vient te foutre sa queue de force dans la chatte, mais c'est tout aussi horrible, tout aussi traumatisant.

• Parce que oui, un mec qui vient se branler à côté de toi, c'est ignoble, et que t'as beau avoir fait de la boxe et du karate pour empêcher ce genre de monstres de s'attaquer à toi, t'as beau avoir un putain de direct du droit capable de rendre la moitié du visage d'un quidam couleur aubergine et texture hachis parmentier, en cet instant tu n'es rien, rien que la petite fille effrayée qui avait peur des ombres qui dansaient sur les murs dans l'obscurité de ta chambre, car tu n'es plus qu'une boule de terreur primaire contre laquelle tu ne peux rien puisque c'est tout ce qu'il reste de toi.

• Parce que merde, c'est tous les jours que ça se passe, et qu'à chaque fois que je parle à une de mes amies proches je me demande si elle a été violée elle aussi, et que j'ai peur de la réponse car je me doute que pour la moitié d'entre elles la réponse sera oui.

• Parce que je veux un jour pouvoir rire en voyant deux gamines de douze ans chahuter sans que leurs yeux ne se ternissent de la crainte d'être moquées et que nous ne sommes pas les seules à connaître chaque jour.

Parce que je sais qu'il y aura tant d'autres "Parce que...", de moi, de quelqu'un d'autre, mais que j'aimerais que ça ne soit pas le cas.

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